jeudi 13 février 2014

Hommage à Albert Zeh

Nous avons récemment appris le décès de M. Albert Zeh, et souhaitons aujourd'hui lui rendre hommage.
Natif de Wihr-au-Val, ancien professeur au conservatoire de Colmar, ancien directeur musical, chef et musicien de l'harmonie colmarienne, de l'harmonie des mines de potasse et de l'harmonie de Wihr-au-Val, il a été un personnage incontournable pour la promotion de la musique dans la Vallée de Munster et bien au-delà, et a eu une influence notable dans tout le département du Haut-Rhin et en Alsace et son action comme formateur a été déterminante pour le renouvellement des chefs de musique Haut-Rhinois. 

Cet homme a traversé l'histoire et nous vous invitons à retrouver son témoignage sur le site "sammle" : http://www.sammle.org/fr/albert-zeh   

Il nous a fait l'honneur de partager son savoir avec Natacha Mangold, auteur d'un article qui paraitra prochainement dans notre publication : "Alsace, terre de musique et de musiciens" Volume 1.

Elle partage avec nous quelques souvenirs...

"Il est 9h, et j'astique mon cornet. Il faut qu'il brille. Aujourd'hui c'est l'enterrement de Monsieur Zeh, mon ancien professeur de musique. C'est une page qui se tourne lit-on dans la presse, un grand homme qui s'en va. D'origine modeste, il apprend la trompette avec son père à Wihr-au-Val, et se lance ensuite dans une grande carrière au conservatoire de Colmar. Directeur de Wihr-au-val jusqu'en 1982, il a aussi dirigé l'harmonie des mines de potasse et l'harmonie colmarienne. Mais tout ça, je ne l'ai appris que bien plus tard. J'avais entre 8 et 10 ans, et pour moi il était juste... mon prof du lundi soir. 
« il faut que ça sonne plein comme un tonneau vide » me disait-il.
Voilà une image que je n'oublierai pas et que j'utilise encore. Écarter les bras, ne pas jouer de la « schwartzwurst ».... pour cela il a une fois accroché ma trompette au plafond avec une corde, comme son père lui avait fait un jour, m'avait-il expliqué. Fichu pied qui ne tenait pas la mesure. Alors ce vieux monsieur se mettait a genou, me prenant le pied, il restait ainsi tout le morceau jusqu'à ce que le tempo me rentre dans le sang. Je conserve aujourd'hui précieusement ses gammes chromatiques. Parfois je n'avais pas envie d'aller en cours car il était vraiment très exigeant, et j'avais peur de me faire gronder si je n'avais pas assez travaillé.
Le jour de mon anniversaire, le 7 mai, il a pensé à moi et m'a offert une cassette avec des morceaux qu'il avait enregistré : Jean-Sebastien Bach à la trompette etc.....Son père né le même jour, il en profitait pour se dévoiler un peu, me faire un cours d'histoire, et une petite leçon de culture musicale. Au fond, je l’aimais bien, et je sentais que ce n'étais pas un professeur comme les autres... mais difficile à dire pourquoi.
«  garde ton cornet, c'est un très bon instrument. Et n'oublie jamais d'où tu viens, n'oublie jamais dans quelle harmonie tu as appris » m'a dit un jour Albert bien plus tard, quand je faisais des études à Nancy. 
 Je repose mon cornet argenté, il jouera pour lui Bach, Haendel, et Dvorack aujourd’hui.
Je n'oublierai jamais mon vieux professeur."

Natacha Mangold 



jeudi 6 février 2014

Le bangala, quand la politique se mêle à la musique.

Retour aujourd'hui sur un épisode de l'entre deux guerres, où les villages étaient divisés entre la ferveur patriotique et les conservateurs pro-allemands.

La division politique s'est ressentie dans l'harmonie qui s'est séparée, avec un épisode cocasse...


Même s'il est fermement stipulé dans les statuts que toute politique est interdite dans l'harmonie, elle fait néanmoins partie intégrante de la vie sociale. Si aujourd'hui on en parle souvent sous forme de plaisanterie, vers 1930, la politique a divisé l'harmonie. Les rouges étaient pro français, les noirs, plutôt du côté des curés, eux-même restés fidèles à l’Allemagne. Albert Zeh père, pro français, (rouge), fit un « putsch » contre l'ancien directeur, pro curés et allemands, (noir). Des exclusions de membres eurent lieu et ils formèrent le Bangala. 

Les deux musiques rivales en sont même venues aux mains. Monsieur Stalter raconte :

«  Oui un jour à Soultzbach il y avait un congrès de fanfares. Il y avait une fanfare qu'on appelait la Noire. Et la musique normale jouait aussi. Bon cette fanfare était à Soultzbach et une fois le congrès terminé, ils ont bu un dernier coup, ils sont partis à pied, et la musique s'est retrouvé au beau milieu de la route, au coin, et ils se sont mis à jouer. A l'époque on pouvait encore jouer dans les rues. Et ils m'ont dit «  Sepala Komm, stand mittla dri, dü hebst uns die notta ». Alors je me suis mis au milieu des musiciens, et j'ai tenu la partition. Et là sont arrivés les musiciens du Bangala qui jouaient eux aussi. C'était à celui qui jouait le plus fort, chacun voulait empêcher l'autre de jouer. Et quand ils se sont croisés, ça a bardé, ils se sont battus, ils étaient couchés dans les fossés. Les musiciens en bord de cortège avaient filés, mais moi j'étais toujours là au beau milieu. Mais j'ai bien vite déguerpi quand ils se sont tabassé avec les clairons ! »1

1Joseph STALTER, interview par Gerard LESER, 2000

Le bangala

Natacha Mangold